Pourquoi introduire le (anti-)complotisme dans nos thématiques de travail ? (Mars 2018) Par Suzana Dukic
Les premières réflexions conduites, à l’ISCRA-Méditerranée, sur "les théories du complot » datent de 2015-2016, lorsque, dans le cadre de formation ou de projets conduits par les intervenant-e-s de l’ISCRA sur le thème de la laïcité, des professionnel-le-s (Centres sociaux, Missions locales, Associations...) ont évoqué, de façon répétée, cette problématique comme étant un obstacle, parfois insurmontable, dans la relation avec les personnes accompagnées, particulièrement les jeunes.
Après avoir organisé des ateliers, une univers-cité des savoirs impliqués (avec Marie Peltier) et expérimenté plusieurs actions de formation sur le sujet en 2017, notre approche de l'anticomplotisme s'est précisée, avec au centre de nos préoccupations, l'analyse du contexte (institutionnel, professionnel…) dans lequel l’adhésion aux théories du complot est exprimée et une mise au travail des différents outils de l'anticomplotisme.
Rumeurs, croyances et complots, à divers degrés d’adhésion, traduisent une remise en cause du savoir, de ses institutions (Ecole, presse,…) et de leurs représentant-e-s. Ils interrogent la nature de la relation et les rapports de pouvoir entre le-la professionnel-le et les personnes accompagnées. L’invocation du « complotisme » constitue, souvent, une forme disqualifiée et disqualifiante d’expression de la critique sociale dans un contexte à la fois marqué à la fois par les inégalités sociales et les discriminations.
Aussi, le complotisme engage-t-il donc, selon nous, un rapport politique au savoir dont ne peuvent s’extraire les multiples initiatives des pouvoirs publics et des associations qui se sont fixés comme objectif le développement de l’esprit critique, sous peine de faire de l’anticomplotisme, un nouvel "outil d’oppression symbolique », selon l’expression de Marie Peltier.